Pour vos cadeaux de Noël livresques, Frédéric, Nikita et toute l’équipe de la Librairie Flagey vous conseillent et vous guident dans l’univers gigantesque de la littérature. Pour leur sélection du mois de décembre, ils vous présentent un western jeunesse tout mimi, deux romans graphiques à fleur de peau, un classique de la littérature lapinesque et un roman fantasy à dévorer “avec modération” ! Lisez pour vous évader…
“Mini Cowboy”, D. Frost, éd. L’école des Loisirs, à partir de 3-4 ans.
Pas facile d’être un cowboy digne de ce nom, de monter à cheval, faire des duels et surtout des entrées théâtrales au saloon, quand on est haut comme trois pommes ! La peau de notre mini cowboy ne vaut pas bien cher sur les affiches ‘Wanted’ : 10$ seulement. Mais peut-être qu’il n’est pas le seul à être si petit…? L’humour et l’élégant dessin de David Frost s’invitent au Far West pour nous rappeler que l’union fait la force !
“Peau d’homme”, Hubert & F. Zanzim, Glénat.
Avant de partir, Hubert, en collaborant avec Zanzim nous a laissé une petite perle de la bande dessinée. D’abord graphiquement, parce que les dessins sont proprement magnifiques, avec toujours cette allure qui à la fois rappelle le conte et colle si bien au format du roman graphique. Ensuite et surtout d’un point de vue scénaristique, parce que cette œuvre aborde des thèmes forts, des thèmes d’actualité, mais de façon intelligente et engageante. Loin de sombrer dans un féminisme victimaire, « Peau d’homme » nous dépeint une héroïne qui apprend ce qu’est le monde masculin, qui s’y intègre, s’y plait et, finalement, découvre les forces qui lui sont propres en tant que femme et les exploite avec brio. Comme ces personnages féminins que j’ai tant aimés dans « La passe-miroir » ou « La fileuse d’argent », elle prend son destin en main et en fait ce qu’elle souhaite envers et contre tout. Un superbe roman graphique sur un idéal féministe tout aussi superbe : celui de la femme forte, du vivre-ensemble dans le respect des forces de chacun, de la belle complicité qui peut parfois (devrait souvent) exister entre les individus de sexes opposés.
“Paul à la maison”, M. Rabagliati, éd. La Pastèque.
Libérez vos émotions ! Pleurez ! Riez ! Vraiment ! Lire Michel Rabagliati, c’est s’exposer irrémédiablement à s’identifier à ce non-héros de Paul. Les toutes toutes petites choses de la vie nous semblent si pertinentes, presque vivantes, là, sous nos yeux, que les événements-clés de la vie, grandioses et/ou dramatiques nous serrent le cœur. La minutie graphique, faussement nonchalante, les faciès expressifs, un encrage exceptionnel, et surtout, surtout, une narration digne des Maîtres de la BD européenne et américaine (on pense à Seth par exemple) font déjà, aujourd’hui, entrer le Québécois (quelle saveur des dialogues, le pied !) au Panthéon de la BD. Un immense auteur qui bâtit son œuvre !
“Watership Down”, R. Adams, éd. Monsieur Toussaint Louverture.
Watership Down, c’est un OVNI vendu à plus de 50 millions d’exemplaires en près de 50 ans… Une incroyable odyssée à la croisée des “Animaux du Bois de Quat’Sous” et de “La Ferme des Animaux”. A un 1er niveau de lecture, c’est l’histoire d’un groupe de lapins qui fuient leur garenne natale lorsque l’un d’entre eux a la prémonition d’un désastre imminent pour se lancer à la recherche de la colline de Watership Down, havre de paix, terre promise… A plein d’autres niveaux, c’est un récit plein de rebondissements entre fable orwellienne, utopie, conte philosophique… Et toute une mythologie fascinante faite de légendes orales qui se transmettent de génération en génération chez ces personnages attachants et somme toute très humains. Je suis la première surprise de m’être prise de passion pour une histoire de lapins, et pourtant ! Pour eux, face à la nature ou aux hommes qu’ils ne comprennent pas toujours, tout prend vite des proportions homériques tout à fait captivantes – et c’est un prisme des plus efficaces par lequel observer et questionner notre société. Un trésor de la littérature anglaise, un classique moderne à faire dévorer par tous, jeunes et moins jeunes !
“Cycle de Syffe, tome 1 : L’enfant de poussière”, P. Dewdney, éd. Au Diable Vauvert.
Cela faisait longtemps qu’un roman de fantasy ne m’avait plus autant marquée et tenue en haleine. Et sur 600 excellentes pages, qui plus est ! Un très très beau morceau que ce récit tissé autour d’un univers médiéval cohérent et surtout très crédible, à l’instar, et c’est sans doute là la plus grande réussite de l’ouvrage, de son personnage principal et narrateur, Syffe – un orphelin de 8 ans projeté vaille que vaille dans l’âpre monde des adultes, ses intrigues, ses guerres, ses luttes raciales. C’est un personnage d’une densité rare et poignante, savant mélange d’un réalisme psychologique criant de vérité et d’un sens de la formule ébouriffant – Dewdney est aussi poète, et ça se voit, ça se sent, ça se ressent dans ses lignes incandescentes. Sa force et son extrême justesse ont ceci d’encore plus abasourdissant qu’elles semblent tellement simples et si fluides, comme si les mots allaient de soi, coulaient tout seuls. Et pourtant, la marque qu’ils laissent, elle, est de celles qui ne s’effacent pas si facilement. Un peu à la manière d’un Fitz dans l’Assassin Royal, la très intelligente posture narrative adoptée, celle d’un Syffe plus âgé revenant sur son passé, permet par ailleurs de toucher sous un angle éclairé à la fin de l’enfance, aux expériences qui nous forgent (parfois au fer rouge), et ultimement ce qui fait de nous qui nous sommes. Une vraie réussite, sur tous les tableaux, un ouvrage d’une puissance impressionnante qui va faire parler de lui. Tout simplement un des meilleurs romans francophones de fantasy depuis Damasio ou Jaworski – et ce ne sont pas des noms que l’on agite à la légère ! (2e plus gros coup de cœur de l’année avec « L’homme gribouillé »)
N’hésitez pas à pousser les portes de la Librairie Flagey et de faire la connaissance de Frédéric, Nikita et de toute l’équipe ! Découvrez plus de coups de cœur et de chroniques littéraires sur leur site : www.librairiesflagey.com